- EAN13
- 9782381911076
- ISBN
- 978-2-38191-107-6
- Éditeur
- Anamosa
- Date de publication
- 10/10/2024
- Collection
- MOT EST FAIBLE
- Nombre de pages
- 112
- Dimensions
- 19,2 x 10,2 x 1,1 cm
- Poids
- 106 g
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
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9.00
La tradition : bonne à n'être que le nom d'une baguette ou la revendication du conservatisme ? Voilà un mot apparemment usé et amoindri, dont les auteurs font le tour et qu'ils interrogent en regard de la " modernité ", rappelant aussi qu'elle fut au cœur de l'entreprise des sciences sociales.
C'est un mot usé, fatigué, élimé parce qu'il a été beaucoup utilisé. À moins que l'amoindrissement de sa charge sémantique ne relève plutôt d'une discordance avec l'époque. La tradition ne serait plus à la mode. Paradoxalement. Repris à l'envi dans la communication patrimoniale qui vante l'authenticité, le chez-soi et l'immémorialité, ce mot subit, au même moment, un racornissement de son domaine d'assignation. Bonne à n'être qu'un slogan pour des publicités peu inspirées, coincée dans l'étau de l'injonction mémorielle et du colifichet touristique, la tradition se fait rigoriste à l'autre bout du portefeuille langagier. Les " tradis ", ce sont, pour beaucoup d'entre nous, ces autres, dont nous peinons quelquefois à comprendre, sur fond de " Manif pour tous " et de soutanes tout droit sorties de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, un argumentaire et des attitudes qui relèvent de son orthopraxie. Une tradition en majesté en quelque sorte, éloignée de ce qu'elle est de fait : bien moins la lecture littérale d'un dogme qu'une somme d'interprétations d'un noyau dur qui sert in fine d'entregent à des signifiants flottants. Disqualifiée la tradition par le trop-plein et le trop peu ? L'on pourrait dire la même chose de la modernité. Que sa progressive mise à l'index, surtout à compter des années 1970, renvoie à toutes sortes de relectures ouvrant sur le souhait de clore ce qui serait une parenthèse désenchantée de l'anthropocène en est une autre. Tandis que des mots retrouvent de leur lustre pour dire et faire dire l'époque – le fond de l'air serait à la radicalité et à la réaction –, d'autres dépérissent tranquillement dans la sphère communicationnelle. Pour des raisons différentes, la pléthore de l'insignifiance pour la première et une aversion galopante pour la seconde, tradition et modernité, en un couple qui régna en maître sur nombre de travaux menés dans les sciences sociales des Trente Glorieuses aux fins de circonvenir la question latérale du changement ou, plus exactement, de l'évolution, ne font donc plus recette. Toutefois, ne faire de la tradition (un ensemble d'énoncés, d'actes, de représentations et de croyances qui se transmettent de génération en génération) qu'une arme au service d'une idéologie de la différenciation négative ne saurait restituer toutefois ce qu'elle fut aussi : un moyen de cerner des sociétés en s'interrogeant précisément sur l'effectivité et la pertinence de ce que l'on plaçait derrière le mot tradition, soit un opérateur pour les sciences sociales qui mérite d'être pris en compte.
C'est un mot usé, fatigué, élimé parce qu'il a été beaucoup utilisé. À moins que l'amoindrissement de sa charge sémantique ne relève plutôt d'une discordance avec l'époque. La tradition ne serait plus à la mode. Paradoxalement. Repris à l'envi dans la communication patrimoniale qui vante l'authenticité, le chez-soi et l'immémorialité, ce mot subit, au même moment, un racornissement de son domaine d'assignation. Bonne à n'être qu'un slogan pour des publicités peu inspirées, coincée dans l'étau de l'injonction mémorielle et du colifichet touristique, la tradition se fait rigoriste à l'autre bout du portefeuille langagier. Les " tradis ", ce sont, pour beaucoup d'entre nous, ces autres, dont nous peinons quelquefois à comprendre, sur fond de " Manif pour tous " et de soutanes tout droit sorties de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, un argumentaire et des attitudes qui relèvent de son orthopraxie. Une tradition en majesté en quelque sorte, éloignée de ce qu'elle est de fait : bien moins la lecture littérale d'un dogme qu'une somme d'interprétations d'un noyau dur qui sert in fine d'entregent à des signifiants flottants. Disqualifiée la tradition par le trop-plein et le trop peu ? L'on pourrait dire la même chose de la modernité. Que sa progressive mise à l'index, surtout à compter des années 1970, renvoie à toutes sortes de relectures ouvrant sur le souhait de clore ce qui serait une parenthèse désenchantée de l'anthropocène en est une autre. Tandis que des mots retrouvent de leur lustre pour dire et faire dire l'époque – le fond de l'air serait à la radicalité et à la réaction –, d'autres dépérissent tranquillement dans la sphère communicationnelle. Pour des raisons différentes, la pléthore de l'insignifiance pour la première et une aversion galopante pour la seconde, tradition et modernité, en un couple qui régna en maître sur nombre de travaux menés dans les sciences sociales des Trente Glorieuses aux fins de circonvenir la question latérale du changement ou, plus exactement, de l'évolution, ne font donc plus recette. Toutefois, ne faire de la tradition (un ensemble d'énoncés, d'actes, de représentations et de croyances qui se transmettent de génération en génération) qu'une arme au service d'une idéologie de la différenciation négative ne saurait restituer toutefois ce qu'elle fut aussi : un moyen de cerner des sociétés en s'interrogeant précisément sur l'effectivité et la pertinence de ce que l'on plaçait derrière le mot tradition, soit un opérateur pour les sciences sociales qui mérite d'être pris en compte.
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