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Le Livre de poche

10,20
Conseillé par
28 octobre 2010

Déchus du paradis terrestre, l'homme, raconte l'Ancien Testament, fut chassé, à l'est d'eden, où les générations malgré les difficultés, prospérèrent.

C'est ici l'histoire de la chute, du complexe rapport au bien et au mal, à la liberté et à la damnation, que narre John Steinbeck.

Adam et Charles Trask vivent dans une amérique du début cruel du XXème siècle, et semblent condamnés à revivre l'éternelle histoire des frères ennemis.
Adam est un idéaliste et un rêveur, à l'instar de ce premier homme dont il porte le nom, il est confiant, aimant, dès lors comme voué à la trahison.
Charles, fort et violent, mal aimé et mal aimant, trace sa solitude aussi rudement que les sillons de sa terre.
La rencontre avec Cathy mettra à mal le monde d'Adam, elle l'abandonnera avec leurs deux jumeaux, Caleb et Aron, à une vie d'homme déchu, déçu, de créature divine à animal errant.
Les deux frères viennent au monde dans ce monde marqué par ce sceau, et c'est entre eux le combat pour une place dans un monde paradoxalement toujours trop vaste pour que tous puissent y vivre en harmonie.

L'auteur nous rappelle qu'au lendemain du meurtre d'Abel, alors que Dieu interroge Caïn, celui-ci est envoyé loin, dans des terres étrangères, souillé par son crime, mais ne le laisse non moins libre et maître de sa destinée, et c'est finalement de lui dont les générations seront issues.
C'est Lee, le serviteur chinois, qui fait office de choeur dans cette anti-tragédie grecque, qui revient sur le mot hébreux de "tishmel" qui signifie à l'homme qu'il peut dominer sur le péché: "Mais si tu peux, voilà qui grandit l'homme, qui le hausse à la taille des dieux, car dans sa faiblesse, sa souillure, et le meurtre de son frère, il a le grand choix. Il peut choisir la route, lutter pour la parcourir et la vaincre".

Le péché, la violence, la colère, sont comme autant de blessures autour des quelles se forge la perle fragile du courage, de la volonté et de la force.
Personnages trop honnêtes et trop bons pour une réalité aride, Aron et Adam sont vaincus et anéantis par la noirceur du monde, car ils ne peuvent du coup en apprécier la véritable saveur.
A l'inverse, Cathy est comme handicapé par son incapacité à entre percevoir la moindre bonté (Adam perd l'usage de sa vision, Cathy celle de ses mains).

Roman du réalisme, et non du désenchantement, appel à la volonté, véritable foi en l'homme, Steinbeck porte à l'est d'eden les pas de Caleb. Non pas vers un quelconque paradis terrestre, dans lequel il serait irrémédiablement damné, mais vers une terre d'hommes, où aucun Dieu ne prédestine aux parcours de ses créatures, où aucune malédiction ne vient plus soulager l'homme de ses fautes, où la responsabilité permet de relever la tête là où la culpabilité la ploie.

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28 octobre 2010

A la façon d'un carnet de voyage, Chuck Palahniuk nous entraine dans un voyage au sein d'une Amérique singulière, peut-être la sienne.
Une Amérique bizarroïde, un peu difforme, aux accents forts, une Amérique à l'odeur de terre parfois, brute et profonde.

Le festival de la couille prend la forme d'un recueil de nouvelles. Sorte de croquis en mots des errances de l'auteur. De ses rencontres d'Hommes, de lieux, de vies, toutes différentes, toutes véritables.

On retrouve dès les premières lignes, la facture si distincte de l'auteur du Fight Club. Tant dans l'approche des intervenants, dont le style "nouvelles", impose qu'on les connaissent peu, mais qui paraissent immédiatement palpables, tous fragiles et abimés à leur façon. Les mondes qu'il décrit vivent, d'odeurs et de bruits, de chaleur et de sueur.
Chuck Palahniuk a un style que l'on ressent presque au sens physique.

On aura peut être parfois du mal à trouver un lien à toutes ces histoires, voire un sens plus global à l'ouvrage.
Ce n'est définitivement pas un livre pour aborder l'auteur, plus un ouvrage à envisager comme un bonus, une percée ténue dans l'univers d'un écrivain.

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28 octobre 2010

Les "derniers jours" de l'auteur de "Vingt quatre heures de la vie d'une femme" retrace finalement les derniers mois de son exil, à partir de sa fuite de l' Europe nazi aux Etats-Unis puis au Brésil.
C'est à Pétropolis qu'il se donnera finalement la mort avec son épouse Lotte, le 22 février 1942.

Qu'il est dur finalement de reconstituer cet état d'esprit d'un homme sans promesses d'avenir, qui pourtant se mariait deux ans plus tôt en Angleterre à sa toute jeune femme moitié moins âgée que lui.
Même si le titre l'annonce sans détour, le récit tire trop vers sa fin inéluctable, où tout finalement s'interprète comme un signe avant coureur du drame.
De même, il est délicat de traiter du cas de Lotte, amoureuse passionnée, prête à suivre son mari jusque dans la mort, pour devenir, à défaut de la compagne de sa vie, la compagne d'un au delà.
Le roman oscille donc entre les deux écueils d'une dramaturgie pesante et d'une passion un peu "fleur bleue".

C'est surtout la question de la ruine de l' Europe, du monde commun qu'elle constituait, de l'échec des intellectuels à anticiper le désastre, qui retiendra le mieux notre attention.
Ainsi Laurent Seksik fait parler l'un de ses personnages à Zweig: "Tu t'es tellement assimilé à ce monde viennois, à cette culture de feu la Mitteleuropa, qu'en la détruisant les nazis t'ont brisé. Et ce que tu décris, par une sorte de prémonition, ce que tes livres traduisent, à travers la folie de tes héros, c'est le récit de ton propre anéantissement".

La difficulté à survivre à son monde, voilà le véritable enjeu.
L'angoisse de celui qui ne peut plus écrire dans sa propre langue, que l'on dépossède de son identité et de son sol.
Mais la trame pourtant importante de ce malaise se perd dans le récit sentimental de Seksik.
Un livre qui retiendra donc l'attention des adeptes de Zweig, mais qui avec un héros de fiction n'aurait pas cet atout.

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De l'identité masculine

Odile Jacob

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28 octobre 2010

Elisabeth Badinter remonte aux origines de cette problématique identité masculine: XY sont les chromosomes de l'homme, et XX ceux de la femme.
Fait étonnant, un seul chromosome X suffit à définir une femme saine et fertile.

Le devenir masculin apparaît dès lors comme plus compliqué, condamné à tenter de s'arracher à l'appartenance à ce "X" féminisant, et de cette origine inéluctable: tous les hommes proviennent du ventre d'une femme.

Ainsi l'auteur peut-elle conclure "quand les hommes prirent conscience de ce désavantage naturel, ils créèrent un palliatif culturel de grande envergure: la système patriarcal. Aujourd'hui, contraints de dire adieu au patriarche, ils doivent réinventer le père et la virilité qui s'ensuit".

En effet, force est de constater que les femmes sont régulièrement considérées comme une déclinaison de l' homme (ne dit-on pas "Homme" dans le sens général d'humanité), alors que la science tend à prouver le contraire. On pensera à la Eve de la Bible extraite de la côte d'Adam.

Cet essai a donc le mérite de produire une enquête rigoureuse et documentée, loin des pamphlets féministes. Il s'agit au contraire de s'attarder sur une identité polémique, souvent présentée comme un combat, une épreuve, un rite de passage, donc empreinte d'une peur certaine. Mais peur de quoi finalement, si ce n'est de ce X constitutif, de ce retour possible à la féminité, souvent favorisé par l'emprise des mères dans l'éducation.

Ce livre se lit donc d'une traite. Une part très importante est laissée à la question de l'homosexualité. Le sujet est intéressant et traité efficacement, mais le fait de l'orientation et des attirances sexuelles finit presque par prédominer sur l'équivoque problématique de la virilité, qui est finalement là où le bât blesse, entre identité sexuelle et identité masculine.
Car quand l'homme sera en paix avec son identité masculine, il le sera sans doute aussi également avec le sujet de l'identité sexuelle.

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récit

Fayard/Mille et une nuits

9,20
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28 octobre 2010

Le titre, déjà mystérieux, se réfère à cette citation de Kafka: "Les corbeaux affirment quun seul corbeau pourrait détruire les cieux. Cela est indubitable, mais ne prouve rien contre les cieux, parce que les cieux nont dautre signification que limpossibilité des corbeaux".

Et ce récit n'en emprunte pas moins au grand maître tchèque par son ambiance étrange et ses personnages en quête d'initiation.
Il s'agit, comme souvent aussi chez Kafka, d'un château, de personnage pas vraiment humains, et d'une nuit plongée la tempête.

Padilla place souvent ses personnages en tourmente psychologique dans un décore de seconde guerre mondiale. Ce coup ci, c'est dans un navire arrêté en pleine nuit en mer par la menace de torpilles, qu'un homme se réveille alité par le fantôme d'un passé fort lointain. Comme lui, il est un restaurateur, comme lui il a frayé avec la Confrérie et sa Grande oeuvre qui distribue des destinées à chacun, et comme lui il est devenu un "corbeau", un homme vivant du trafic et du vol d'objets d'art.
Mais leur destin ne se croise pas au hasard sur ce bateau, mais par le trafic de statuts de démon, appartenant à un certain château, conçu selon des normes idéales pour accueillir le retour de celui que la Bible nomme le Rédempteur.

Ce récit bref et mystique est réellement bien mené, les narrations s'emmêlent et se démêlent au fil des flots de ce bateau perdu en pleine mer. Sans apporter de réponse où donner dans le fantastique (nulle scène grandiose ici), Padilla installe une ambiance de mystère et de malaise digne des plus grands romans de Kafka.

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