Le Paradoxe du bonheur

Aminatta Forna

La Croisée

  • Conseillé par
    30 janvier 2019

    Alors qu’un renard se faufile entre les passants, une femme et un homme se bousculent sur le Waterloo Bridge à Londres. Jean est une scientifique américaine, spécialiste de la faune sauvage en milieu urbain et Attila un psychiatre ghanéen reconnu dans la thérapie des personnes ayant subi un traumatisme en temps de guerre. Ce dernier parcourt le monde en tant qu’intervenant reconnu tandis que Jean vit à Londres depuis peu. Et à priori, rien ne devrait les amener à se revoir à nouveau.

    Sachez que dans ce roman, on parle également de renards, de coyotes mais aussi de végétaux, de relations humaines et de la ville de Londres qui est un personnage à part entière. Jean et Atilla sont tous deux personnes impliquées dans leur travail avec cette volonté d’aider. Et quand un petit garçon disparait, naturellement, ils apportent leur contribution tout comme un portier d’hôtel, un chauffeur mais aussi un aide-soignant et d’autres exilés d'Afrique de l'Ouest. Formant un réseau d’entraide spontanée, ils s’unissent dans un seul et même but et nous immergent de façon inattendue dans cette ville cosmopolite, toujours en mouvement. Au fil des pages, Jean et Attila se dévoilent avec pudeur et humilité.

    Les descriptions des renards tout comme celles d’autres animaux s’intègrent naturellement dans le récit sans jamais être ennuyantes ou rébarbatives (et j’ai appris plein de choses). En croisant les vies de ses deux personnage principaux et en nous faisant partager des pans de leur passé et de leurs acquis, Aminatta Forna nous questionne sans mièvrerie sur notre apprivoisement du bonheur.
    Un roman généreux, complètement maîtrisé par sa capacité à nous parler d’animaux, d’espaces ou d'émotions que l’homme veut contrôler, de capacité d'adaptation, de résilience sans jamais verser dans les bons sentiments.
    Un livre formidable car tout est posé, réfléchi, fluide, creusé intelligemment et très bien dosé ( oui, rien que ça) !

    "Le coyote la regarde. Elle a failli ne pas le voir tant son pelouse moucheté se confond avec la végétation. Seul le reflet argenté de ses jarres permet de distinguer ses formes. La frontière entre son corps et les jeux du vent dans l'herbe est impalpable. Elle s'immobilise autant qu'elle le peut, soutient son regard. Pendant de longues minutes, sa conscience se réduit à sa respiration, à l'air qui entre et qui sort de ses poumons, aux iris pailletés d'or de l'animal. Un souvenir remonte, suffisamment viscéral pour être réel : l'odeur de sa fourrure le jour où elle l'a endormi pour lui passer le collier, la chaleur qui émanait de lui, les pulsations du sang dans ses veines."

    "Qu'est-ce une vie sans incident ? Est-ce possible ? Comment devenir humain autrement que dans l'adversité ? "