Profanes

Jeanne Benameur

Actes Sud

  • Conseillé par
    14 octobre 2014

    Profondeur sans gravité

    Profanes : étrangers à la religion ou encore ignorants selon le dictionnaire. C’est le titre choisi par Jeanne Benameur pour son roman qui ne parle que du sacré : de la vie, de la mort et de ces liens qui se tissent entre les êtres, parfois à leur insu. Octave Lassale, 90 ans, ancien chirurgien cardiaque, réunit autour de lui quatre personnes pour le temps qui lui reste à vivre. En effet, il s’embarque « pour la partie la plus précieuse de sa vie ", celle où chaque instant compte. Et il a décidé de ne rien lâcher.Trois femmes et un homme vont se relayer à ses côtés, se partageant le jour et la nuit. Au contact du vieil homme, Hélène, Yolande, Béatrice et Marc apprennent à se connaître, à s’apprécier. Des relations s’esquissent, des peurs s’apaisent, l’espoir se dessine. Chacun va se découvrir. Même Lassale va trouver la force de surmonter ce drame qui l’a foudroyé et qui le hante : la mort de son unique enfant, Clara.

    « Profanes » ne se raconte pas. Il se savoure lentement. Avec cet ouvrage profond sans être grave, Jeanne Benameur parle de l’essentiel. Elle s’approche au plus près des êtres, de leur douleur, de leur capacité à rebondir et parfois à renaître sans jamais sombrer dans le tragique ou le pathos. « Profanes » a ceci de remarquable que longtemps après l’avoir refermé, la musique délicate de ce texte ne vous quitte pas. Un vrai coup de cœur.

    [  ![despochessouslesyeux](http://www.onlalu.com/site/wp- content/uploads/2014/10/despochessouslesyeux-123x96.png) **Ecoutez la chronique de " Des poches sous les yeux "**](http://despochessouslesyeux.fr/in dex.php?option=com_content&view=article&id=763:profanes&catid=36:roman- francais-&Itemid=59#)

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  • Conseillé par
    28 décembre 2013

    Amour, deuil

    J'avais été quelque peu déçu par le précédent roman de l'auteur "Les insurrections singulières", dont j'avais trouvé la seconde partie un peu moins intéressante.
    J'hésitais donc longtemps à ouvrir ce roman-ci. Erreur !
    J'ai véritablement été emballée par l'histoire et les personnages, cette fois-ci beaucoup plus travaillés.
    Des personnages en souffrance, mais qui vont de l'avant ; des personnages ouverts à l'inattendu.
    Et puis les portraits du Fayoum, qui ponctuent le récit, et dont Octave cherche à percer le mystère.

    Et puis les haïkus, si justes, si beaux.
    Une histoire de vie bouleversante, un roman émouvant.
    L'image que je retiendrai :
    Celle du jardin de la Grande maison dans lequel il est agréable de se promener pieds nus.


  • Conseillé par (Libraire)
    4 mars 2013

    Extrême sensibilité

    Affronter la tristesse de la mort de sa fille, Claire, en recherchant la "cohabitation" de 4 personnes, choisies pour ce que chacun va apporter, par cet ancien chirurgien qui n'a pas pu la sauver.

    Des passages d'une grande sensibilité, des visions profondes et pénétrantes des protagonistes permettent de toucher l'immense douleur que ce père ressent.

    Ce livre vous insuffle littéralement le ressenti des émotions et projette dans l'esprit de ce vieil homme.

    Ponctué de multiples citations littéraires, sans être pompeux, ce roman sonde intimement, en définitive, les 3 aspects des profanes que sont ces 4 personnes choisies :
    ignorer tout de la vie du chirurgien,
    laïc de toute résolution religieuse (épouse)
    et enfin "profaner les lieux sacrés" (chambre, cabane, photos, etc.) pour braver la douleur de la perte.

    Tout ceci en fait un roman très délicat qui fait montre de nombreux tourments ... une réussite !


  • 1 mars 2013

    Octave Lassale a quatre-vingt-dix ans. Ancien chirurgien du coeur, il vit seul."J'ai appris aussi à aller encore dans chaque jour en espérant que la nuit suivante emporterait tout et moi avec".

    Mais il souhaite anticiper et être accompagné dans ses derniers jours. Il passe une petite annonce et recrute quatre personnes qui vont pénétrer dans sa maison... son quotidien...son coeur.

    Il a besoin d'autres êtres humains qui comme lui, s'égarent, pour s'approcher de ce qu'est la vie.

    Jeanne Benameur propose un très bon roman sur "l'être ensemble". Ce thème, largement abordé en littérature, est magnifié sous la plume de Jeanne Benameur. Son style est nourri d'images et de poésie.

    Quel est le moteur qui permet à ces personnages d'avancer dans la vie? Aucun Dieu ne semble motiver Octave, Béatrice, Hélène, Yolande et Marc.

    Le doute à lui seul permet de dépasser "le fait d'être un homme, juste un homme de chair, de sang et de pensée.Aujourd'hui je me donne droit au doute. Un profane aussi a le droit de douter. Le doute n'est pas réservé aux croyants."

    La peur du désastre est omniprésente dans la vie d'Octave Lassale mais aussi dans celle de ses accompagnants."On peut sauver ou ruiner toute une vie quand on prend le risque[...]Est-ce que la vie n'est pas la seule louve à faire entrer dans la bergerie?"

    Le personnage de Béatrice m'a beaucoup séduite.Cette jeune femme discrète, qui a tellement besoin du vide."Petite,, elle a été dévorée. Le silence des parents est un ogre. Il vous avale dans les questions qu'on ne pose jamais. Ces deux êtres-là vivaient vivent et vivront au secret des bandelettes qu'ils ont passé leur vie à tisser autour de leurs bouches, de leurs yeux."

    Toute l'écriture de Jeanne Benameur est ciselée. Sa force repose sur la beauté des mots et la profondeur des personnages.

    Tel un vieux fou Octave continue à croire, envers et contre tout, qu'il y a quelque chose de plus fort que la mort, quelque chose de plus intéressant que la mort. Il souhaite qu'Hélène, la femme artiste-peintre, dessine le portrait de sa fille, tel le Fayoum.

    Voilà...j'ai refermé ce roman, secouée par les personnages. Des personnages de papier qui donnent la force, "qu'aucune foi en un Dieu, fût-il d'amour" ne puisse donner.

    Jeanne Benameur met la foi au coeur des êtres humains, sous couvert d'une ellipse stylistique... mais c'est joliment offert dans Profanes.

    Profanes, Actes Sud, janvier 2013.


  • Conseillé par
    10 janvier 2013

    Octave Lassalle est un ancien chirurgien cardiologue à la retraite. Agé de quatre-vingt-dix ans, il vit seul dans sa grande maison. Avant que la dépendance n’arrive, il a décidé d’anticiper et a tenu à choisir quatre personnes. "Chez chacun des quatre, il a flairé le terreau d’une histoire. Quelque chose qui pourrait l’éclairer. Chez chacun d’eux, la lutte, solitaire, pour la vie. Et aucune religion à laquelle se raccrocher. C’était la question commune à chaque entretien. La plus importante. Quel rapport entretenaient-ils avec la foi, la religion ? Aucun des quatre n’avait la foi domptée par la religion. Les quatre doutaient. Mais luttaient, il le savait. Et c’est pour cela qu’il les avait choisis."

    Chacune d’entre elles se voit affecter une tranche horaire et une mission précise. Ces trois femmes et cet homme se croisent chez Octave Lassalle. Chacun a son histoire comme Octave. Avant d’être un vieux monsieur seul, il était marié et avait une fille Claire. Claire gravement blessée dans un accident en pleine jeunesse en allant rejoindre son amant et Anna qui le suppliait, le priait de sauver leur fille. Octave n’a pas pu. Conscient de ses limites et par peur d’échouer. "Toutes les années de solitude l’ont laissé sur la grande route blanche et ils ne sont pas assez de quatre pour avancer avec lui. Il pense à l’étymologie du mot profane : celui qui est devant le temple. Il est ce profane. Ils sont ces profanes." Entouré de Marc dont il ne sait pas grand-chose, d’Hélène l’artiste peintre, de Yolande une femme au grand cœur sur qui on peut compter et de Béatrice, la jeune étudiante infirmière, Octave veut pouvoir enfin avancer. "Un profane a le droit aussi de douter. Le doute n’est pas réservé aux croyants. J’ai besoin d’autres êtres humains, comme moi, doutant, s’égarant, pour m’approcher de ce que c’est la vie. Parce que je suis vieux.(..) J’ai besoin de confronter mon doute à d’autres, issus d’autres vies, d’autres cœurs. J‘ai besoin de frotter mon âme à d’autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne." Pour vivre ses dernières années et en tirer parti, Octave reconnait avec humilité ses doutes, sa peur. Comprendre là où il a échoué pour atteindre une forme de sérénité avec lui-même. Il refuse celle donnée par les religions, pour lui l’homme grandit par ce qu’il apprend des autres. Il a consacré sa vie à en sauver d’autres sans dogme contrairement à Anna, croyante, la religion en bandoulière. Après la mort de Claire, ils se heurtaient, prière contre impuissance. Anna est repartie vivre au Canada emportant tous les souvenirs de Claire sauf une photo et sa maison où elle jouait étant petite fille. Octave a la conviction que ces quatre personnes vont jouer un rôle. Et il pourra panser ses propres blessures, apaiser ses doutes et comprendre. Octave distribue lui-aussi son histoire mais surtout celle de Claire pour qu’elle continue de vivre. Marc, Hélène, Yolande et Béatrice reçoivent eux-aussi. Humblement. D’Octave, de cette maison chargée de souvenirs qui délivre une histoire. Enrichissante pour le soi intérieur, pour son cheminement intérieur pour mieux comprendre la vie, l’appréhender et la vivre.

    Il faut prendre son temps pour lire ce roman, pour s'imprégner des mots. Riche par sa portée, riche par ce qu’il nous enseigne. Jeanne Benameur par son écriture d’orfèvre signe ici un livre qui ouvre les yeux, l’esprit et le cœur. Un livre d’une intensité rare, éblouissant, qui ne laissera personne indifférent. Elle nous offre un hymne à la vie, à la foi dans l’homme. Un lecture dont on sort grandi, messager et habité par ce texte sublime.

    Après Laver le sombres, Les demeurées, Les Reliques ,Les mains libres, Les insurrections singulières, cette auteure est une mes auteures préférées par ses thèmes, par son engagement et par son écriture.