Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

Dans l'antre de la folie

Nellie Bly

Glénat BD

22,00
Conseillé par (Libraire)
1 mars 2021

Une excellente BD qui fait découvrir une femme exceptionnelle !

Lorsque Mme Cochrane, une fois veuve et sans fortune, dut abandonner sa vie bourgeoise, sa fille aînée Elisabeth Jane, née en 1864 en Pennsylvanie, se fixa deux objectifs dans la vie : ne pas mourir de faim et rédiger des articles qui lui permettraient de vivre de sa plume tout en dénonçant le sort réservé aux femmes et au monde ouvrier (entre autres).
Signant sous le pseudonyme de Nellie Bly, Elisabeth Jane va se faire connaître bien au-delà des frontières de l’État de New York grâce à l’un de ses reportages « en immersion » dont elle a été pionnière. Un article sur l’établissement de sinistre renommée, l’hôpital psychiatrique de Blackwell, lui a été commandé par le directeur du grand quotidien le New York World ; elle va se faire passer pour malade afin d’y être recluse et rédiger ensuite une série d’articles sur la vie des femmes internées . C’est cette enquête incroyable que relate la BD.
Le découpage de la Bd alterne le récit à la première personne du passé douloureux de la jeune journaliste et le récit de son internement qui a duré 10 jours. Nellie Bly va dévoiler tout ce que ces femmes internées devaient subir : infirmières incompétentes et brutales, médecins totalement corrompus, humiliations, repas insuffisants, bains d’eau froide… On découvre avec effroi que beaucoup de ces femmes étaient enfermées par leur propre famille qui s’en débarrassaient ainsi si elles n’arrivaient pas à trouver un mari. D’autres, se réfugiant dans un asile pour les pauvres car sans ressources, finissaient aussi dans cet asile psychiatrique malgré l’absence totale de symptômes. Une fois internées, ces femmes n’avaient pratiquement aucune chance d’en sortir d’autant plus que les mauvais traitements finissaient par avoir effectivement raison de leur santé physique et psychique.
Le récit du calvaire des résidentes de Blackwell suscita énormément de réactions et permit une évolution dans le traitement des patientes.
On retrouve le trait rond et doux de Carole Maurel que j’avais déjà beaucoup apprécié dans la Bd intitulée « Collaboration horizontale » (parue chez Delcourt en 2017). Cette douceur du trait ne masque toutefois pas les tensions dramatiques du récit. Un très beau roman graphique sur une femme exceptionnelle !

19,90
Conseillé par (Libraire)
1 mars 2021

Un premier roman policier qui est un coup de maître !

Pour terreau de ce 1er roman noir, Gwenaël Bulteau a choisi la ville de Lyon en l’an 1898 et nous plonge dès les premières pages dans une enquête criminelle au cours de laquelle la police va devoir fouiller les ruelles du quartier des Canuts -sur la colline de la Croix-Rousse- afin de retrouver le meurtrier d’un garçonnet retrouvé sans tête.
A crime horrible, réponse rapide : le commissaire Soubielle est à la tête d’une brigade judiciaire qu’il vient de créer de toutes pièces pour rénover la procédure des enquêtes policières. Il sait qu’il lui faut résoudre rapidement l’affaire s’il veut que sa brigade soit pérennisée.
Si le crime est bien le moteur de ce roman, il est aussi un prétexte pour nous relater la vie sociale et intime des enquêteurs ainsi que celle des Lyonnais en cette toute fin du XIXème siècle. Le récit est passionnant et nous transporte dans les quartiers ouvriers et miséreux de la ville au moment où la France entière se passionne pour le procès d’Esterhazy à l’origine de l’affaire Dreyfus, procès suivi d’un acquittement d’Esterhazy qui déclenche l’ire de Zola et son tonitruant « J’accuse ».
Les polémiques politiques entre dreyfusards et anti-dreyfusards mais aussi entre syndicalistes et réactionnaires éclatent partout y compris au sein de la brigade de Soubielle. Bulteau décrit tout ce contexte avec beaucoup de force et de réalisme, notamment les violentes manifestations antisémites suite à la parution de l’article de Zola.
Bulteau peuple son roman de multiples personnages secondaires issus de la petite bourgeoisie et du monde ouvrier et s’attache tout particulièrement aux enfants soumis à une violence sociale et familiale terrible.
La plume de l’auteur est sûre et élégante, la langue sans anachronisme et les dialogues succulents.
Un coup d’essai et un coup de maître !

Conseillé par (Libraire)
28 janvier 2021

Un polar sombre comme la nuit !

Coup de ❤ pour le nouveau polar de Hervé Le Corre, "Traverser la nuit", qui vient tout juste de paraître aux Editions Rivages .
Si vous ne reculez pas devant le noir profond, n'hésitez pas à vous emparer de ce roman.
3 personnages vont se croiser, se chercher, s'éviter tout au long de l'histoire. Le commandant Jourdan, au bord de l'épuisement, ne supporte plus les cadavres, a fortiori d'enfants. Son boulot a perdu tout son sens et est en train de le faire sombrer. Sa femme, elle, ne supporte plus qu'à grand' peine cet homme qu'elle a aimé mais qui est devenu peu à peu mutique, s'enfermant dans ces affaires de meurtres sans arriver à en sortir. Il continue malgré tout à faire son boulot du mieux possible et une série de meurtres de prostituées va le lancer lui et son équipe sur la piste d'un tueur bestial.
Le Corre a choisi d'entrecroiser les récits de Jourdan, du meurtrier et d'une jeune femme, Louise, qui, elle, n'a rien à voir avec cette enquête mais qui va rencontrer Jourdan suite à une agression violente. Les femmes sont au centre de ce roman, victimes déjà mortes ou en sursis, battues, violées, humiliées. Quand elles ne sont pas victimes, elles peuvent aussi être du côté de la perversité et de la névrose... La société humaine dépeinte par Le Corre est tout sauf apaisée; elle régurgite sous une forme ou sous une autre, tantôt bourreau, tantôt victime, des sévices et des traumas profonds. Un polar sombre et puissant...

Conseillé par (Libraire)
24 janvier 2021

Un essai passionnant qui nous plonge dans les grands froids !

Le « bœuf » musqué (qui s’apparente plus au mouton qu’au bison !) fascine, curiosité surgie de la préhistoire, à l’impressionnante adaptation aux quasi-déserts glacés. Rémy Marion, après Robert Gessain dont il reprend l’oeuvre, a arpenté le Haut Actique pour rencontrer les Inuits et « l’animal dont la fourrure est comme une barbe ». C’est donc un texte à deux voix, deux générations d’aventuriers.
On suit ici sur 500 000 ans les migrations et évolutions parallèles des ancêtres d’Ovibos moscatus et des nôtres, puis tant la cohabitation que le compagnonnage entre Inuits et hardes d’Omingmak, peuple animal qui impose le respect. Puis la quasi-extinction en lien avec les essais d’implantation de vaches, le commerce transatlantique, la mode du trophée facile, quand même les bonnes intentions sont redoutables : pour prélever 3 veaux à destination d’un élevage on n’hésite pas à abattre la trentaine d’adultes qui les protègent ! Et on découvre enfin les avatars tardifs de la conservation entre protection et exploitation.
Cette lecture apporte quelques éléments de réponse à une question lancinante : comment ces grands mammifères ont-ils pu survivre aux mammouths et autres géants des espaces périglaciaires, que l’homme a si bien décimés ?
Les auteurs nous plongent dans un monde si beau qu’on ne peut que ressentir l’urgence de reconsidérer la place de notre espèce.
Un essai qui est paru cet automne dans l'excellente collection "Mondes sauvages" chez Actes Sud.

Les Arènes

22,90
Conseillé par (Libraire)
20 janvier 2021

Coup de coeur de Mathieu : un polar sibérien glaçant !

Une ville parmi les plus froides, polluées, isolées de Russie; un ancien goulag soumis à la toute-puissance des intérêts miniers et à la corruption; une population à l'avenir noyé dans le blizzard sibérien : difficile de trouver plus hyperbolique que Norilsk comme décor pour le nouveau polar social, ultra documenté et nourri d'impressions de voyages dont Férey a l'habitude. Lëd, comme la glace, ne ménage personne mais rend justice aux vrais héros de ce lieu que sont ses habitants. À lire d'une traite !