Capital et idéologie

Thomas Piketty

Seuil

  • Conseillé par (Libraire)
    21 février 2021

    Etude planétaire

    L’évêque Adalbéron de Laon est le premier à avoir illustré le chaos d’une société où l’ordre établi par la noblesse et le clergé serait bouleversé par une remise en cause qui verrait les évêques marcher derrière les charrues. Les lettrés étaient alors peu nombreux et l’éprouvante vie terrestre était somme toute supportable dans la perspective d’un royaume des cieux où s’épanouiraient les pauvres en esprit. La Révolution de 1789 si elle fit émerger le citoyen en lieu et place du sujet, sacralisa la propriété privée pour conduire à une concentration de richesses qui atteignit son paroxysme en 1914. Balzac dans ses romans mesurait fort bien les rentes qui assuraient le train de vie des plus riches. Il faut savoir que Paris était la ville où les inégalités étaient les plus criantes, on possédait des immeubles de rapport, on ne vendait pas d’appartements ! Les colonies ont aussi une part importante dans la puissance des nations occidentales surtout pour la France et la Grande Bretagne, et les États-Unis. L’abolition de l’esclavage indemnisa d’ailleurs les propriétaires, mais jamais les esclaves qui durent quelquefois continuer à travailler pour rembourser leurs dettes, en quelque sorte. L’exemple d’Haïti est le plus éloquent, Charles X imposa une contribution financière qui représentait environ trois années de PIB, cette dette avec les intérêts a été remboursée jusqu’en 1950. Les deux guerres mondiales, la naissance de l’état moderne et de la social-démocratie, au sens large du terme, ont fortement réduit les inégalités patrimoniales. Le livre regorge de graphiques qui mesurent la part des nantis et des plus défavorisés dans la répartition des patrimoines et des revenus. L’échec de la social-démocratie et l’effondrement de l’Union Soviétique ont laissé le champ libre à un capitalisme à nouveau orienté vers une concentration telle qu’elle existait au début du vingtième siècle. Ronald Reagan a fortement baissé les impôts en déclarant que l’état était le problème et non la solution. Il fut suivi par toutes les démocraties occidentales. Le paradoxe étant que la Suède qui possédait le système censitaire le plus inégalitaire du monde avait réussi une répartition des richesses inédite alors que la Russie, ancien pays communiste est devenu l’un des pays les plus inégalitaire. Nous constatons aujourd’hui les dégâts produits par cette idéologie néo-libérale et la destruction de la planète. Sur ce terreau il n’est pas exclu que le ventre d’où naquit la bête immonde, soit encore fécond. Ce que Piketty appelle le social-nativisme. Mais comme chaque époque et chaque pouvoir se doit de faire accepter l’ordre établi, le recours à la religion n’est plus de mise dans une société où l’éducation a fortement progressé. Sous le Second Empire l’analphabétisme régnait et il a fallu attendre la troisième République pour l’école obligatoire et plus récemment la massification de l’enseignement supérieur. Mais rassurons-nous le degré d’acceptation même s’il est de de plus en plus contesté repose sur l’économie, qui représenterait le soubassement de notre civilisation. Il est complété par la disparition des classes sociales où l’individu serait somme toute responsable de son propre sort . Ainsi les défavorisés et les malchanceux ont remplacé les damnés de la terre.