Un monde à portée de main

Maylis de Kerangal

Folio

  • Conseillé par (Libraire)
    10 mai 2021

    Un monde à portée de main

    Extrait

    "Paula attend. Ses yeux fendus jettent un éclat grave : on apprend ici à peindre la maille d'un noyer de dix ans et celle d'un noyer de cent ans, rien de plus, c'est le deal.
    ... Mais le truc c'est que les copier implique tout de même de s'en faire une idée, de vouloir les connaître, ce n'est pas si médiocre.
    ... et la voix de Kate sonne clair quand elle accélère : j'en ai marre de copier, d'imiter, de reproduire, à quoi ça sert, vas-y, j'écoute.
    ...elle (Paula) murmure dans un souffle : ça sert à imaginer."

    Paula, Jonas et Kate entrent en apprentissage à l'institut de peinture de Bruxelles. Au programme, apprendre à copier les surfaces naturelles du monde, à donner l'illusion des matières vivantes. L'apprentissage passe par celui de voir, et de là d'imaginer, voire de créer.
    L'auteur offre densité et technique au texte. Un flot de mots rapide comme s'il s'agissait d'une course à garder traces. L' élan se renforce pour saisir encore et encore le monde de peur de le voir disparaître plus vite qu'il se crée.


  • Conseillé par
    25 juin 2020

    Tromper les yeux, ouvrir des espaces

    Comme d'hab, façon cow-boy sentimental, Maylis de Kerangal enfonce la porte d'une vie, d'un personnage et d'un métier, et fait circuler un grand courant d'air. Paula Karst quitte le cocon familial et va étudier la peinture du trompe-l’œil à Bruxelles. Elle entre peu à peu dans ce corps d'adulte, d'ouvrier, d'artisan, d'artiste et de femme, avec l'énergie, la passion, les doutes et les rebonds de la phrase. L'écrivaine doit peut-être à sa formation de géographe le goût d'ouvrir les espaces entre l'intime et le monde, le présent et le passé, le technique et le poétique. C'est une langue en mouvement, en quatre dimensions, qui saute les obstacles, tire des perspectives, trace des tangentes. Plus que la question de l'illusion, c'est celle de l’œuvre d'art qui court ici, à ouvrir des au-delà, des vies parallèles à imaginer, plus riches, plus vraies, plus fortes.

    Anne-Marie