Anthony F.

20,00
Conseillé par (Libraire)
13 octobre 2020

Une ode à la différence

Il nous avait enthousiasmés avec le multi-récompensé "Une bouche sans personne" avant de confirmer l'essai avec son "Funambule sur le sable"... Gilles Marchand revient plus en forme que jamais dans ce livre emballant, "Requiem pour une apache". Le titre en lui-même est déjà toute une poésie. Car lorsqu'on évoque cet écrivain, c'est bien de poésie dont il faut s'emparer. De fantaisie, de douce folie... On y redécouvre ses influences : Boris Vian bien sûr, mais aussi Romain Gary ou Georges Perec. Dans ce "Requiem", on trouve une fantaisie disais-je, une invention à chaque page. Les personnages qui peuplent ce roman sont tellement attachants que leur histoire, douce amère, nous fait du bien, nous ravigote, bref nous captive. L'héroïne Jolène n'est pas la plus belle, ni forcément la plus sympa, mais lorsqu'elle arrive dans l'hôtel du proprio nommé Jésus (NDLR il a osé !), elle se sent accueillie... Hôtel ou pension de famille ? Les résidents qui le peuplent sont un ancien catcheur, un couple à la Bonnie and Clyde, une représentante qui ne jure que par les encyclopédies qu'elle vend pour changer le monde, un chanteur ex pop star en voie de ringardisation... Mais chut, j'en ai déjà trop dit. Vous aurez compris qu'il faut plonger tête première dans cette lecture foisonnante qui a constitué, pour moi, un immense coup de coeur.

19,90
Conseillé par (Libraire)
13 septembre 2020

L'Amérique malade de ses maux

"Nickel Boys" était très attendu, vu le succès d'"Underground Railroad". Colson Whitehead récidive ici avec brio et accomplit le tour de force de remporter un deuxième Prix Pulitzer d'affilée avec ce texte comme un uppercut. Nous sommes dans les années 1960 en Floride. La ségrégation fait rage malgré les efforts notamment du révérend King et le Sud est gangréné par un racisme séculaire. Le jeune protagoniste de ce roman est noir et s'apprête à aller à l'université. Au terme d'une erreur judiciaire, il est envoyé dans la maison de redressement de Nickel. Débute alors une longue descente aux enfers où sa force morale est la seule chose nécessaire pour engager la lutte face aux bourreaux. L'amitié aussi est présente dans ce livre à la prose épurée, sans concession. Oui, mais à qui faire confiance quand on sait que la moindre action est scrutée, analysée par des bêtes fauves en puissance ?

Inspirée d'une histoire vraie sordide et tragique à la fois, "Nickel Boys" renvoie les Etats-Unis à leurs vieux démons séparatistes. Ce livre n'en a que plus de force et de vérité. A l'heure des "Black Lives matter", il est urgent de lire ou de relire cet écrivain engagé...

Roman

Philippe Rey

23,00
Conseillé par (Libraire)
13 septembre 2020

Un livre miroir de notre époque

Vendu à près d'un million d'exemplaires aux Etats-Unis, "American Dirt" est précédé d'une réputation de soufre. Don Winslow l'a qualifié de "Raisins de la colère de notre temps"... Comparaison pertinente car à l'instar de l'oeuvre phare de Steinbeck, on tourne les pages de ce livre sociétal avec angoisse, comme sous l'adrénaline d'un bon thriller...
L'héroïne Lydia, libraire passionnée, est confrontée à l'assassinat de toute sa famille par des narcos mexicains. Le problème est que le chef du cartel n'est autre qu'un client devenu ami très proche... ce qui ne l'empêche pas de commanditer le meurtre de son mari, coupable en tant que journaliste de l'avoir provoqué de sa plume. 16 morts au final...
La survivante Lydia, accompagnée de son jeune fils Luca, décide de partir aux Etats-Unis pour échapper au contrat sur leurs têtes. C'est là que le livre prend toute sa puissance. Il décrit par le menu la route d'enfer que suivent les migrants latinos qui veulent entrer dans "l'Eldorado américain". Impossible de faire confiance. Meurtres, viols, tous les coups sont permis. Impossible encore de ne pas se faire dépouiller de son argent, sans oublier la jungle des passeurs. "American Dirt" interroge sur les valeurs de nos sociétés et sur la place des migrants, sur l'inhumanité. Concentré de violence, il constitue une grosse claque pour le lecteur ! Alors propos dévoyé et incohérent comme l'a récemment souligné un manifeste d'intellectuels mexicains ? Un livre à découvrir assurément !

Conseillé par (Libraire)
21 avril 2020

Un bal où Bram Stoker rencontre Dracula...

"Le bal des ombres" est un splendide roman mettant en scène l'amitié de Bram Stoker, administrateur pendant plus de vingt-cinq ans du théâtre londonien, le Lyceum, et d'Henry Irving, directeur et célèbre tragédien shakespearien et de la sémillante Ellen Terry, considérée en son temps comme la Sarah Bernhardt britannique. Il nous plonge avec avidité dans l'époque victorienne.
Aujourd'hui encore, Bram Stoker est infiniment moins connu que son "personnage fétiche, le comte Dracula". Alors que plus de cent films ont été tournés sur cet être avide de sang, alors que les éditions paperback peuplent les bibliothèques du monde entier, Bram Stoker, son génie créateur, ne bénéficie pas toujours de la reconnaissance qu'il mérite.
Dans ce roman, Joseph O'Connor compose une biographie solide de son personnage principal et présente l'auteur irlandais comme une véritable brute de travail, génie d'organisation pour administrer le théâtre londonien du Lyceum sous la férule parfois oppressante de son directeur, Irving.
Sous sa plume apparaît un être de chair et de sang, fait des plus grands doutes quant à sa production littéraire. Toute sa vie, il ne cessera de publier dans des revues de moyenne diffusion, goûtant peu au succès. Et c'est son Dracula, écrit en 1897, quinze ans avant son décès, qui le fit connaître.
Ce livre est réussi car romanesque à souhait. Il présente par exemple "l'amitié héroïque" que nourrissent les deux principaux héros masculins. Mais, pour l'Irlandais, comment faire pour survivre et exister devant ce monstre d'égoïsme, de narcissisme et par là même de mauvaise foi qu'est l'immense comédien Irving ? C'est sans doute ce qu'il y a de plus beau ici et c'est une gageure : avoir réussi à recréer des liens anciens complexes et souvent tortueux. On comprend un peu mieux, en lecteur contemporain, comment fonctionne une troupe. Ellen Terry, figure charmante et grande amie de Bram Stoker, vient également déposer sa grâce dans la pièce qui se joue sous nos yeux… Et que dire des passages sur Jack l'Eventreur faisant à cette époque frémir les autorités mais bien plus encore les petites gens des faubourgs ?
"Le bal des ombres" est à conseiller au lecteur qui aime le charme vénéneux de Dracula, mais aussi à ceux qui, comme moi, ont plaisir à se pencher dans l'Angleterre victorienne et dans la grande illusion qu'est le spectacle du théâtre et de ses acteurs…

Conseillé par (Libraire)
21 avril 2020

Un roman criant d'humanité

Ce roman est une émotion.
Il raconte une histoire d'amour d'aujourd'hui.Le parti pris de la narration n'est pas étrange, il est humain...
On apprend très vite que Sarah, la narratrice omnisciente, est décédée. C'est elle qui va nous guider dans le récit de sa vie. Dans sa vie d'avant le cancer. Et là le second héros sera ce Théo, homme lunaire, amoureux passionné qui ne jure que par "La vie est belle" de Capra ou bien par les œuvres de Fellini.
Sarah débute le dialogue par ses jeunes années, lorsqu'encore peu armée pour lutter contre l'existence, elle était une jeune Punkette sans avenir, mais pas sans grâce. Elle nous décrit la rencontre avec son petit moineau de Théo. L'optimiste fou, le chevalier blanc, l'homme qu'elle attendait pour les grains de rire et de bonheur jetés aux moineaux ici ou là. "La vie est belle" lui répètera-t-il à longueur d'années. De là naîtra un premier enfant, un garçon, Simon, puis Sarah retombe enceinte. Bref, une existence banale pourrait-on dire, celle de deux échappés qui, s'ils n'avaient rien pour se rencontrer, l'ont fait et ont créé leur éden à deux.
Le roman prend une tournure dramatique quand Sarah apprend lors de cette seconde grossesse que chaque minute compte pour la sauver du crabe.
Et là l'Auteur Thibault Bérard fait preuve de grâce en nous décrivant le quotidien d'une malade. La réaction de son personnage principal est une fulgurance d'espoir. Jamais il ne renonce. Tous leurs amis, toute la famille sont présents autour du couple.
Ce livre est un concentré d'émotions disais-je et touche réellement au cœur.
Il décrit avec tellement d'humanité, avec tellement de justesse et de retenue ce qu'est le cancer qu'il m'a réellement embarqué. Il n'est jamais triste et porte au contraire la résilience comme étendard. Passées les premières pages où la narration peut paraître surprenante, le lecteur rentre vite dans l'histoire et adhère au propos comme aux personnages. C'est beau c'est chatoyant, mais c'est surtout tellement vrai…
Ce "Il est juste que les forts soient frappés" compose une galerie de personnages qui touchent autant que la vie les touche. Une vraie belle découverte que ce premier roman de Thibault Bérard, éditeur à la ville..